Depuis 1980, les nombreux dispositifs spécifiques aux seniors ont été progressivement abandonnés ou restreints, faute d’un impact jugé suffisant avec même un effet parfois perçu comme stigmatisant. Les pouvoirs publics ont désormais fait le choix de politiques visant à encourager le maintien dans l’emploi et l’augmentation du taux d’emploi des seniors.
La contribution Delalande (1987-2008) consistait à taxer les licenciements de salariés de plus de 50 ans en CDI. Elle a fait l’objet d’une évaluation qui a conclu défavorablement : non seulement la contribution n’avait pas d’effet sur les décisions de licenciement concernant la tranche d’âge visée, mais elle conduisait même à des licenciements sur les tranches d’âge immédiatement inférieures et à une réticence à embaucher au-delà d’un certain âge.
L’aide différentielle de reclassement (2006-2015) était accordée quand un chômeur indemnisé reprenait un emploi dont la rémunération, pour un même volume horaire de travail, était inférieure d’au moins 15 % à celle de son emploi précédent. En 2014, seuls 7 400 chômeurs en ont bénéficié dont 71 % de 50 ans et plus.
Les contrats aidés développés depuis les années 1990, ces dispositifs ne sont pas ciblés sur les seniors mais sur l’ensemble des personnes éloignées de l’emploi, même si certaines dispositions sont plus favorables aux seniors (par exemple, la possibilité de prolongation de contrat jusqu’à 5 ans pour les personnes de plus de 50 ans bénéficiaires de prestations de solidarité et d’aide sociale). En effet, parmi les catégories plus particulièrement visées figuraient des demandeurs d’emploi de 50 ans et plus. En 2017, 14 % des contrats aidés (CUI-CAE, CUI-CIE, IAE) ont été prescrits à des seniors de 50 ans et plus. En 2018, les pouvoirs publics ont décidé la transformation des contrats aidés en parcours emploi compétences, en les recentrant sur l’objectif d’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi. La circulaire précise que certains publics devront faire l’objet d’une attention particulière (travailleurs handicapés, résidents des quartiers prioritaires de la politique de la ville, jeunes) mais les demandeurs d’emploi de 50 ans et plus ne sont plus visés spécifiquement (circulaire DGEFP/SDPAE/MIP/MPP/2018/11 du 11 janvier 2018).
Le contrat de professionnalisation est un dispositif d’insertion en alternance, permettant d’acquérir une qualification professionnelle ou de compléter la formation initiale par une qualification complémentaire. Il s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans, aux demandeurs d’emploi âgés de 26 ans ou plus, aux bénéficiaires de certains minima sociaux et aux personnes ayant bénéficié d’un contrat unique d’insertion. Des aides à l’embauche peuvent être accordées selon le profil du bénéficiaire. Depuis 2008, ce contrat permet, en cas d’embauche d’un demandeur d’emploi âgé de 45 ans ou plus, des exonérations de cotisations et, depuis 2011, le bénéfice d’une aide d’État de 2 000 euros. De plus, une nouvelle sous-catégorie de contrat de professionnalisation a été mise en place en 2015 pour les chômeurs de longue durée de 50 ans et plus : le contrat « nouvelle carrière », se caractérisant par un volet formation plus bref que celui du contrat de professionnalisation de droit commun. Malgré ces aides spécifiques, les plus de 45 ans ne représentent, en 2016, que 3 % des nouveaux bénéficiaires d’un contrat de professionnalisation.
Le CDD senior a été introduit par l’ANI (Accord National Interprofessionnel) de 2015. Il est réservé aux plus de 57 ans, demandeurs d’emploi depuis plus de 3 mois, pour leur « permettre d’acquérir des droits supplémentaires en vue de la liquidation (…) à taux plein » (art. D.1242-2 du code du travail). Il n’est pas associé à une aide spécifique et n’exonère pas de l’obligation d’une prime de précarité, mais il permet d’embaucher en CDD sans justifier d’un motif spécifique autre que l’âge du salarié. Il n’existe pas de recensement statistique de ce CDD spécifique mais il semble très peu utilisé (corollaire probable du large recours au CDD de droit commun qui représentait déjà en 2014 près de 90 % des embauches de 55-64 ans).
Outre la mise en place de ces dispositifs, les pouvoirs publics ont souhaité mobiliser le levier du dialogue social, comme élément favorisant l’évolution des perceptions et des pratiques dans la gestion des ressources humaines dans l’entreprise.
À partir de 2003, des obligations de négocier sur l’emploi des salariés âgés ont été créées au niveau des branches et des entreprises. Elles ont été renforcées en 2008, avec la création d’une sanction financière en cas d’absence d’accord ou de plan d’action. Le contenu des sujets sur lesquels portent ces obligations a évolué. Centré au départ spécifiquement sur les seniors, l’accent a été mis de plus en plus sur l’articulation entre gestion des âges et gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).
Cette recherche d’articulation s’est illustrée lors de la création du contrat de génération, qui combinait une aide financière à l’embauche pour les PME et une obligation de négocier. Concernant la négociation, selon la Dares, seules 28 % des entreprises étaient couvertes au 6 septembre 2016, essentiellement grâce aux accords de branche. Les 11 732 accords de branche ou d’entreprise enregistrés sur le contrat de génération couvraient 9,3 millions de salariés. S’agissant des aides à l’embauche, au 31 décembre 2017, on comptait 20 146 contrats en cours et un cumul de 83 460 demandes d’aide enregistrées et 66 932 demandes acceptées sur les 4 ans et demi de déploiement du dispositif. Le bilan a été considéré comme insuffisant, avec des effets d’aubaine pour des entreprises qui auraient embauché de toute façon.
En 2018, sur la base du bilan tiré, le contrat de génération a été supprimé. L’obligation spécifique de négocier sur les seniors découlant de la loi de 2003, ainsi que la pénalité associée en 2008, disparaissent avec les ordonnances de septembre 2017. Est maintenue une obligation générale de négocier sur les conditions de travail et la GPEC dans les branches et pour les entreprises de 300 salariés et plus. Dans ce cadre, en l’absence d’accord d’entreprise sur l’organisation et le contenu de la négociation obligatoire, des dispositions supplétives s’appliquent et définissent le contenu de cette négociation sur la GPEC. Il est alors précisé que cette négociation « peut porter » (art. L. 2242-21 du code du travail) entre autres « sur l’emploi des salariés âgés et la transmission des savoirs et des compétences, (…..) et l’amélioration des conditions de travail des salariés âgés ».
Plus généralement, les évaluations faites sur les obligations de négocier conduisent à un bilan mitigé. En 2011, l’analyse de 116 accords ou plans seniors enregistrés en 2009 a conclu à une application souvent formelle des dispositifs face au risque de sanction financière, s’inscrivant plus dans la continuité de politiques déjà en place que d’actions nouvelles. Les deux domaines d’action les plus fréquemment choisis ont été l’anticipation de l’évolution des carrières professionnelles ainsi que le développement des compétences et des qualifications et l’accès à la formation. Les domaines de l’amélioration des conditions de travail et du recrutement ont été moins souvent choisis. En général, il a été constaté des difficultés à définir des indicateurs pertinents, des objectifs chiffrés et à établir un diagnostic préalable.
Néanmoins, dans certaines entreprises, les obligations de négocier ont permis de préciser et de renforcer certaines actions déjà initiées, ou de sensibiliser à la prise en compte des problématiques d’âge, par exemple en matière de conditions de travail. CASER et JOLIVET ont montré que si l’incitation à négocier peut être un outil adapté à la lutte contre les stéréotypes et la discrimination dans l’emploi, elle est probablement moins efficace pour agir sur le retour dans l’emploi des seniors.
Aujourd’hui, l’objectif affiché par les pouvoirs publics est de favoriser l’emploi des seniors par des mesures non spécifiques s’adressant principalement aux entreprises, dans le cadre d’une politique de gestion des âges plus globale.
L’accent est donc mis sur la gestion des ressources humaines, sur les représentations et sur un renforcement de la prévention. Différents outils sont promus pour faire évoluer les pratiques des entreprises, en matière :
- d’embauche,
- de management,
- de formation,
- d’aménagement des fins de carrières notamment.
En termes de maintien dans l’emploi, en particulier, l’accent est mis notamment sur :
- la lutte contre la pénibilité,
- et plus largement sur les politiques d’amélioration des conditions de travail avec la prévention de l’usure professionnelle, tout au long de la carrière.
Zoom sur le contrat de professionnalisation
Aujourd’hui, l’objectif affiché par les pouvoirs publics est de favoriser l’emploi des seniors par des mesures non spécifiques s’adressant principalement aux entreprises, dans le cadre d’une politique de gestion des âges plus globale.
Sources :
GRESY B. MILEWSKI F., CHAPPERT F., AMOUZOU A., ANACT/DGEFP « Les Femmes Séniors dans l’emploi – Etat des lieux » Juin 2019
PROUET E. et ROUSSELON J., « Les seniors, l’emploi et la retraite », France Stratégie, novembre 2018
BEHAGHEL L., CREPON B. et SEDILLOT B. (2004), « Contribution Delalande et transitions sur le marché du travail », Économie et statistique, n° 372
PESONEL É. , « Le contrat de professionnalisation en 2016 », Dares Résultats, n° 9, mars 2018
CLAISSE C., DANIEL C. et NABOULET A. (2011), « Les accords collectifs d’entreprise et plans d’action en faveur de l’emploi des salariés âgés : une analyse de 116 textes », Document d’études de la Dares, février.
CASER F. et JOLIVET A. (2014), « L’incitation à négocier en faveur de l’emploi des seniors. Un instrument efficace ? », La revue de l’IRES, vol. 80, n° 1