Boîte à outils

Retour

L’usure professionnelle : comment l’anticiper ?

Article de fond -

Santé : Usure professionnelle

Prévenir l’usure professionnelle est un défi pour les entreprises. Elle représente des enjeux stratégiques, économiques et sociaux. Découvrez à travers cet article les bonnes pratiques pour la prévenir.

L’usure professionnelle, qu’est-ce que c’est ?

L’usure professionnelle est un processus d’altération de la santé qui s’inscrit dans la durée et qui résulte d’une exposition prolongée à des contraintes de travail (ex : port des charges lourdes, objectifs irréalistes, injonctions contradictoires, pression temporelle…).

ANACT

L’usure professionnelle, pour l’entreprise, va avoir des effets sur la santé et la performance de ses collaborateurs. Pour prévenir l’usure, l’analyse des postes, des restrictions d’aptitudes et de la pyramide des âges va amener les entreprises à se pencher sur les conditions de travail.

Quelques chiffres

D’après l’ANACT, la population active évolue. En 1990, l’âge moyen de départ à la retraite était plafonné à 60 ans et en 2030 il sera à 64 ans, voire plus. La part de seniors dans la population active augmente : 18% de seniors en 1995 alors qu’en 2015 ils sont 28% de seniors.

Le fait que la vie professionnelle se prolonge n’est pas une problématique si les conditions de travail sont favorables et adaptées. Dans les prochaines années c’est la tranche 55/65 ans qui sera plus touchée par le besoin de reclassement et l’usure professionnelle.

L’usure professionnelle a plusieurs facettes

L’usure professionnelle se présente sous des formes variées. Il existe trois types d’usure :

  • Physique
  • Cognitive, sociale
  • Psychologique

Ils conduisent tous à une altération de la santé du salarié.

L’usure professionnelle peut amener à l’inaptitude partielle ou totale, elle fragilise et empêche le salarié d’exercer certaines activités.

Les enjeux de l’usure professionnelle

L’usure professionnelle va jouer sur la performance des collaborateurs de l’entreprise ce qui va impacter celle de l’entreprise. Elle va être visible à travers son image (de marque) et son attractivité de manière externe (clients, fournisseurs, etc.) et interne (collaborateurs).

L’usure professionnelle a aussi un enjeu d’employabilité des individus. En effet, un collaborateur démotivé, absent et qui commet des erreurs risque sa place dans l’entreprise.   

Les conséquences

L’usure professionnelle présente ainsi pour les entreprises des conséquences :  

  • Augmentation de l’absentéisme, du désengagement et de la démotivation
  • La progression du nombre de personnes en inaptitude de travail
  • Départs précoces de salariés compétents
  • Turnover plus élevé
  • Dégradation du climat social
  • Croissance du coût de la gestion RH
  • Baisse de la rentabilité et de la compétitivité
  • Baisse de la qualité des services ou des produits

Les salariés usés professionnellement sont exposés à l’augmentation et l’aggravation de problèmes de santé, la difficulté à réaliser correctement leur travail, la perte de compétence, la dégradation de leur employabilité, la perte d’estime de soi entrainant ainsi la démotivation.

Les causes

Les origines peuvent découler de plusieurs facteurs :

  • Conditions physiques du travail : port de charges lourdes, exposition aux intempéries ou à des produits chimiques dangereux, etc.
  • L’organisation du travail : répétition ou parcellisation des tâches, objectifs imprécis ou inatteignables, trop ou pas assez d’autonomie.
  • Le parcours professionnel : obsolescence des compétences, absence de perspective ou de reconnaissance professionnelle

A noter que les causes varient selon les personnes et l’environnement mais l’usure professionnelle touche toutes les catégories de salariés.

Certaines causes sont moins évidentes : contraintes budgétaires, dégradation des conditions de travail, absence de perspective d’évolution professionnelle, difficulté pour concilier vie privée/vie professionnelle, changement de processus d’organisation, etc. sont responsables d’une apparition précoce de ces problématiques d’usure qu’elle soit physique et psychologique.

Les manifestations de l’usure professionnelle

Les manifestations physiques, cognitives et psychiques de l’usure professionnelle ont des effets immédiats ou différés.

L’augmentation du travail de nuit et les contraintes de temps représentent des exigences physiques : migraines, douleurs, lombalgies, troubles musculo-squelettiques pour les plus connus. Dans les cas les plus extrêmes la manifestation physique de l’usure peut mener à une maladie professionnelle.

De manière cognitive, l’usure professionnelle va se manifester par un stress intense ou une charge mentale élevée, des difficultés de concentration voire des pertes de mémoire.

Les traductions psychiques sont quant à eux l’essoufflement professionnel, la démotivation, le désengagement.

Certains métiers identifiés provoquent une usure professionnelle avérée, par exemple les métiers techniques, les métiers des services à la population ou de la sécurité : gestes répétitifs, postures inadaptées, relations avec autrui complexes. Il s’agit d’une difficulté qui au fil du temps devient usante…

Les outils pour agir face à l’usure professionnelle

En agissant sur l’usure professionnelle l’entreprise permet aux salariés de travailler plus longtemps en bonne santé, elle réduit les contraintes, aménage les postes de travail et favorise les parcours internes.

Ces améliorations vont contribuer à son attractivité, à réduire les coûts liés à la dégradation de la santé des salariés (absentéisme, maladies professionnelles, accidents du travail, problème de qualité) et à l’amélioration du fonctionnement des équipes (prévention des TMS, réduction de l’absentéisme, prévention de la pénibilité, prévention de l’usure professionnelle).  

Pour cela, il est nécessaire de repérer des situations d’usure et d’analyser les causes avec des outils d’analyse comme les données sociales, les outils d’analyse des situations de travail et des parcours professionnels.

L’exemple de Malakoff Humanis

Malakoff Humanis conseille d’analyser le bilan social de l’entreprise et propose des guides pédagogiques comme les kits enjeux RH pour appréhender la réalité de l’usure professionnelle des collaborateurs, déterminer qui est concerné, comment cela se traduit et quelles en sont les causes.

Après avoir effectué le diagnostic pour la mise en place d’un plan d’action, l’entreprise a plusieurs actions à mener :  

  • Modifier l’environnement de travail : réduire la pénibilité physique (moderniser un parc de chariots élévateurs),
  • Revoir l’organisation du travail (horaires aménagées, temps partiel, autonomie d’exécution, etc.) permet d’alléger le stress, la charge mentale,
  • Améliorer son management et sa conduite du changement,
  • Renforcer sa gestion des ressources humaines et développer les compétences via un plan de formation ambitieux (parcours professionnel limitant l’exposition aux risques, VAE, etc.)
  • Accompagner les salariés en prévention et en gestion des problèmes de santé.

La co-construction du plan d’actions représente un élément de cohésion dans l’entreprise. Les acteurs, les managers, les salariés et le CSE vont participer à sa co-construction. L’entreprise peut aussi faire appel à des intervenants extérieurs comme la médecine du travail pour être accompagnée.

Malakoff Humanis propose de faire intervenir un allié, expert des risques professionnels, intégré à l’équipe ou extérieur dont la mission sera de conseiller et d’accompagner l’entreprise dans sa démarche de prévention. La communication des résultats est l’occasion pour l’entreprise de réaffirmer son engagement à éviter l’usure professionnelle de ses salariés.

L’entreprise peut agir sur plusieurs leviers :

  • solutions techniques (automatisation, mécanisation des tâches les plus contraignantes…),
  • des actions en matière RH (développement des compétences et des parcours professionnelles)
  • des actions sur le plan de l’organisation (expérimentation de nouvelles formes d’organisation du travail…).

L’exemple d’une entreprise de logistique et de transport

L’Aract Réunion a accompagné une société spécialisée dans le secteur d’activité de l’entreposage et du stockage non frigorifique (activités de logistique et de transport). L’accompagnement sur la thématique de la prévention de l’usure professionnelle dans l’entrepôt a permis de repérer les principales difficultés rencontrées par les salariés de l’entrepôt dans la réalisation de leur travail et identifier les facteurs d’usure professionnelle. 

Plusieurs axes de travail ont été définis notamment sur la culture de management et la responsabilité sociale des managers et sur l’amélioration des conditions de travail au niveau de l’entrepôt (restrictions d’aptitudes) où les postes sont usants et le personnel vieillissant.

Différentes actions ont été menées :

  • Elargir les représentations des acteurs sur l’usure professionnelle, tous les âges, divers symptômes physiques (TMS, cancers professionnels…), cognitifs (troubles de la mémorisation…), psychiques (démotivation, dépression…).
  • Raisonner dans le temps, prendre en compte les contraintes de travail et le parcours professionnel des salariés.  
  • Construire une démarche participative à travers des entretiens collectifs ou individuels et d’observations du travail.
  • Fournir un diagnostic pour identifier les différents facteurs pouvant être à l’origine d’une usure des salariés, complétées par une analyse des données RH (absentéisme, turn-over), santé (accidents du travail, maladies professionnelles, plaintes de douleurs…) et de production par type de population (âge, ancienneté, sexe…) et/ou par poste, par service.
  • Dégager des éléments communs à plusieurs métiers de l’entrepôt et d’autres plus spécifiques : caristes, préparateurs, agents de quai… Lorsque les machines ont des pannes fréquentes, les contrôleurs ou agents de quai ont le sentiment de ne pas pouvoir bien faire leur travail, les préparateurs et dépoteurs quant à eux ont des postures de travail contraignantes (préparation et filmage des palettes au niveau du sol)…
  • Dégager des éléments spécifiques à certains métiers, par exemple les emballages de mauvaise qualité qui demandent du tri supplémentaire. Des commandes de petite quantité d’un nombre important de références, qui rendent plus contraignant physiquement et psychologiquement le travail des préparateurs.
  • Permettre une approche concertée des problématiques grâce au partage du diagnostic par les différents acteurs de l’entreprise.
  • Présenter le diagnostic sous forme schématique représentant le lien de cause à effet entre « Facteurs », « Activité de travail », et « effets » pour rendre concret les éléments et ancrer les échanges dans la réalité du travail.

Il est pertinent d’identifier les freins à l’évolution professionnelle du côté des salariés, de favoriser la connaissance des métiers via des missions ponctuelles et de permettre aux salariés en difficultés de faire évoluer ses fonctions par poste : 50% production, 50% administratif.

Le rôle du CHSCT (instance-clé de la prévention de l’usure et des risques professionnels) peut permettre d’organiser des points réguliers sur les reclassements et construire des indicateurs d’alerte, tourner entre magasins et entrepôt.

Sources :
ANACT, « Prévenir l’usure professionnelle pour un maintien durable en emploi », 23 Octobre 2019, https://www.anact.fr/prevenir-lusure-professionnelle-pour-un-maintien-durable-en-emploi
ANACT, « L’usure professionnelle : Qu’est-ce que c’est et comment agir pour l’éviter », 15 Janvier 2018, https://www.youtube.com/watch?v=AQcBzuVWyG8
MALAKOFF Humanis, « L’usure professionnelle : qu’est-ce que c’est ? » , 08 décembre 2020, https://www.malakoffhumanis.com/s-informer/prevoyance/qu-est-ce-usure-professionnelle/
MALAKOFF Humanis, « Guides ressources humaines : TMS, RPS et le handicap », https://www.malakoffhumanis.com/solutions/services-accompagnement-social/kit-enjeux-rh/
CNFPT, « La pénibilité et l’usure professionnelle » , https://www.cnfpt.fr/penibilite-lusure-professionnelle/national
ANACT, « Prévenir l’usure professionnelle en entreprise, un défi de management responsable » , 11 mars 2019, https://www.anact.fr/prevenir-lusure-professionnelle-en-entreprise-un-defi-de-management-responsable